Créé en 2010, le Coalition de la Flottille de la Liberté (FFC) est un mouvement worldwide de solidarité populaire qui œuvre pour mettre fin au blocus israélien de Gaza. Leur nouvelle mission – livrer 5 500 tonnes d’aide humanitaire à la inhabitants de Gaza – a été temporairement interrompue après que la Guinée Bissau a décidé de retirer son pavillon à deux navires le 24 avril 2024. La flottille devait naviguer de Turquie vers Gaza.
Lors d’une précédente mission des FFC en 2010, dix personnes avaient été tuées suite à une intervention des forces armées israéliennes. Cette fois, plusieurs centaines de personnes venues d’une trentaine de pays différents participent à la mission, dont la militante belge Rosy. Membre du mouvement No Border, opposée à l’existence de frontières et militant pour la liberté de circulation, elle analyse les nombreux liens entre la state of affairs en Palestine et celle aux frontières de l’Union européenne. Rosy n’a pas souhaité divulguer son nom complet afin de ne pas compromettre sa sécurité.
Francesca Spinelli : Pourriez-vous nous parler de votre parcours militant et quelles rencontres ou expériences vous ont amené à participer à la mission FFC ?
Je milite depuis des années sur la query des frontières et de la migration, principalement en Belgique, mais aussi à diverses frontières en Europe, notamment en Grèce et en Bosnie. Je participe également à une campagne lancée il y a quelques années, Abolir Frontex, qui regroupe de nombreux mouvements différents. Plus récemment, je suis allé en mer Méditerranée par le biais d’ONG de sauvetage. C’est grâce à ce dernier réseau, qui relie militantisme et travail en mer, que j’ai entendu parler de la mission Freedom Flotilla Coalition. Il était tout à fait logique pour moi de participer à cette opération, non seulement parce que la mer peut aussi être un moyen de libération et d’motion politique, mais aussi parce que je voulais relier la lutte contre les frontières étatiques et la violence aux frontières européennes à la lutte en soutien du peuple palestinien.
Francesca Spinelli : Il existe de nombreuses similitudes entre ce qui se passe en Palestine et la state of affairs aux frontières extérieures de l’UE. Commençons par l’side le plus seen : la violence.
Les violences perpétrées par certains États contre certaines catégories de civils – Palestiniens d’un côté et migrants de l’autre – sont de plus en plus élevées, et ces États en assument de plus en plus l’entière responsabilité. Le récit est très similaire : déshumaniser l’autre, normaliser les discours de haine, tout cela pour justifier la violence. Une imaginative and prescient binaire se crée : Israël contre les Palestiniens, ou plutôt contre le Hamas, comme si tous les Palestiniens étaient membres du Hamas. La réalité est simplifiée en présentant les gens comme des lots homogènes : les « migrants » envahissant l’Europe et attaquant « l’identité européenne ». Le revers des discours déshumanisants, ce sont les discours identitaires prônant la supériorité de certaines cultures, de certains peuples. Si certaines vies sont jugées plus précieuses que d’autres, cela donne libre accès à toutes les formes de violence. C’est ce qui s’est passé en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, et avant cela pendant le colonialisme, dont les effets sont encore visibles aujourd’hui. Quant à Israël, c’est un projet colonialiste depuis sa création. La violence que nous observons aujourd’hui ne surgit pas de nulle half ; elle ne peut être comprise ni combattue dans une perspective anhistorique.
Francesca Spinelli : Quand on parle de violence, on parle d’armes.
Oui, et là aussi, il existe un fil conducteur qui relie Israël à l’UE : le complexe militaro-industriel. Les violences aux frontières et à Gaza s’inscrivent dans le cadre d’une militarisation croissante, utilisant une technologie de pointe, au revenue des entreprises européennes et israéliennes. Le Base de données des exportations militaires et de sécurité israéliennes (DIMSE) montre l’ampleur des exportations israéliennes vers l’UE dans ce domaine. A l’inverse, de nombreuses entreprises européennes fournissent des armes à Israël. Ces derniers mois, il y a eu un appel croissant à mettre fin aux ventes d’armes à Israël, ainsi que des actions directes de militants ciblant ces entreprises. En France et en Allemagne, des poursuites judiciaires ont été engagées par des avocats et des ONG.
Francesca Spinelli : L’industrie d’armement israélienne est particulièrement favorisée par Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Depuis sa création en 2004, Frontex a contribué à la militarisation des frontières extérieures de l’UE. Mandaté par les gouvernements européens, il promeut une imaginative and prescient sécuritaire de la migration, décrivant les migrants comme une menace contre laquelle l’Europe doit se défendre. Une partie de son énorme funds (c’est l’agence européenne la plus financée, avec 845,4 tens of millions d’euros en 2023) est utilisée pour acheter des armes et des applied sciences de surveillance, notamment auprès d’entreprises israéliennes, comme l’ont souligné les journalistes et des chercheurs. Il convient également de noter que certaines applied sciences sont testées sur la inhabitants de Gaza avant d’être vendues à l’étranger, notamment aux pays européens et à Frontex. Et ces derniers testeront d’abord ces applied sciences aux frontières avant de les utiliser sur l’ensemble de la inhabitants. Cela s’applique aux applied sciences de surveillance, telles que les drones ou les applied sciences d’extraction de données. Ce que nous observons à Gaza, aux frontières extérieures de l’UE, et de plus en plus sur le territoire de l’UE, c’est une politique d’ultra-surveillance et d’ultra-contrôle, motivée par le désir de connaître en détail l’identité, le profil et les déplacements de chaque personne, et de classer les gens comme désirables ou indésirables.
Francesca Spinelli : Une autre similitude entre les deux contextes que nous analysons, et c’est aussi l’un des enjeux politiques majeurs aujourd’hui, c’est justement cette volonté de contrôler les déplacements de certaines catégories de personnes.
Oui, le siège de Gaza, le fait de confiner les gens et de les empêcher de contrôler leur propre vie et leurs mouvements, est exactement ce que les gouvernements européens tentent d’imposer aux migrants en leur refusant l’accès au territoire de l’UE ou en les détenant en attendant leur expulsion. Ils partagent la même imaginative and prescient : la inhabitants mondiale est divisée selon le lieu de naissance. Le droit de circuler ou de séjourner, le droit à la dignité et à la vie sont déterminés par le lieu de naissance. Ce lien établi entre la nationalité et le droit d’entrée, droit régi par le système des visas, est par nature colonialiste. Ainsi, les murs sont devenus un symbole de l’enfermement des Palestiniens à Gaza, mais aussi des politiques migratoires de l’UE. Il est essential de souligner que ces barrières, qui ne cessent de se multiplier, ne sont pas seulement physiques. Il existe des barrières administratives, des lois et des inclinations dont le seul however est d’empêcher les personnes de vivre dignement.
Francesca Spinelli : Comme nous le disions, ces politiques d’enfermement et d’exclusion reposent sur l’idée que certaines vies valent moins que d’autres. Les droits fondamentaux, théoriquement universels, sont de plus en plus bafoués par les gouvernements qui ne se sentent plus obligés de respecter les décisions de justice. N’y a-t-il pas un autre parallèle à établir ici entre Israël et l’UE ?
Israël a ignoré à deux reprises un décision de la Cour internationale de Justice, qui a appelé le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les Palestiniens reçoivent une aide humanitaire. De même, un nombre croissant de gouvernements européens ignorent les décisions de justice leur imposant de respecter les droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Cela est particulièrement évident en Belgique, où malgré des milliers de décisions de justice, les autorités n’ont pas réussi à fournir un logement à des milliers de demandeurs d’asile, les obligeant à dormir dans la rue. Les actions des gouvernements défient l’entendement. La loi est ignorée, violée. En tant que militants, en tant qu’organisations, nous pouvons dénoncer, rassembler des preuves, des témoignages et des statistiques, mais les politiques persistent dans leurs actions. Il y a une véritable rupture du contrat social.
Francesca Spinelli : L’un des objectifs de la mission FFC est de fournir une aide humanitaire vitale à Gaza. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une mission humanitaire, puisque le however est aussi de dénoncer l’occupation illégale de Gaza. Nous savons que la stress entre humanisme et positions politiques a parfois créé des fractures au sein des mouvements de soutien aux migrants. Quelle est votre opinion à ce sujet?
La query de savoir si l’aide humanitaire est colonialiste a souvent été posée, à juste titre. Pour moi, ce n’est pas fondamentalement colonialiste. Si quelqu’un a besoin d’aide, nous l’aidons – c’est ça la solidarité. Mais au sein de cette aide, il est essentiel de remettre en query le système, les politiques qui ont rendu cette aide nécessaire. Si nous ne le faisons pas, nous essayons de maintenir notre place avantageuse en tant que donateurs d’aide, et c’est là que cela devient problématique. La FFC a été très claire sur ce level : les aides sont nécessaires mais pas suffisantes. Nous devons faire en sorte que cela cesse d’être nécessaire en s’attaquant aux causes profondes de la state of affairs. D’une manière générale, il est necessary de faire de l’autocritique, d’enquêter sur les mécanismes colonialistes que nous avons intériorisés.
Francesca Spinelli : Voir autant de personnes de différents pays se rassembler pour défendre une trigger commune est un exemple puissant de solidarité internationaliste. Observez-vous la même internationalisation au sein des mouvements qui luttent contre les régimes frontaliers et pour la liberté de circulation ?
Je n’ai pas l’habitude de voir de tels chiffres : des milliers de tonnes d’aide humanitaire, des centaines de individuals, tout l’argent investi dans cette mission. Ce sont des chiffres que nous ne voyons pas dans les groupes locaux. Je réalise que sans un effort de financement aussi massif, sans ce travail administratif intense, on ne peut pas arriver à un résultat aussi puissant que celui de la FFC. L’internationalisme demande beaucoup d’organisation, de déplacements, d’argent, ce qui peut constituer une limitation pour les mouvements luttant contre les régimes frontaliers. Cela dit, des collaborations existent entre des groupes et des mouvements de différents pays, voire continents. C’est le cas, par exemple, de la campagne Abolir Frontex, qui regroupe des groupes du Sénégal et du Maroc. C’est également le cas au sein du mouvement No Border, qui regroupe de nombreuses initiatives dans différents pays.
J’aimerais ajouter qu’une motion sera d’autant plus forte que des objectifs communs s’accompagneront d’une diversité de tactiques et de méthodes. Le mouvement No Border, par exemple, est un mouvement populaire, non institutionnalisé, très proche de l’anarchisme, voire complètement anarchiste. Il interact rarement un dialogue avec les establishments gouvernementales. Mais dans certains cas, comme le sauvetage en mer, même une petite organisation devra se conformer à toute une série de lois et « jouer le jeu » pour être energetic. L’objectif est le même, mais les méthodes sont différentes.
Francesca Spinelli : Par votre participation à cette mission, vous espérez attirer l’consideration des hommes politiques belges sur leur responsabilité dans ce qui se passe à Gaza – une pression d’autant plus importante que les élections fédérales approchent à grands pas. Concrètement, quelles mesures souhaiteriez-vous que la Belgique prenne ?
Israël doit être sanctionné pour ses crimes de guerre et son non-respect des décisions du Cour internationale de Justice. La Belgique, comme de nombreux autres États, aurait dû mettre fin depuis longtemps à toute collaboration économique, politique et universitaire avec Israël. Par ailleurs – mais tout cela est lié – la Belgique doit aussi absolument respecter le cordon sanitaire mis en place il y a une trentaine d’années pour empêcher l’extrême droite de communiquer dans les médias et de normaliser ses discours de haine. Cette ligne s’effrite, et c’est très inquiétant.
Francesca Spinelli : L’situation brutale de la mission FFC 2010 rappelle que cette nouvelle mission n’est pas sans risques. Malgré cela, vous souhaitez montrer à ceux qui vous suivent, qui lisent votre témoignage, qu’il est attainable et nécessaire de s’impliquer. Qu’aimeriez-vous leur dire pour les encourager ?
Lorsque nous nous réunissons, nous pouvons tout accomplir. Évidemment, en nous lançant dans cette opération, nous étions conscients des risques. Il y a de la peur, mais il y a aussi énormément de détermination et de solidarité. Je vous invite chaleureusement à nous rassembler, à éveiller la solidarité et à agir, automobile la solidarité est la plus belle flamme qui nous maintient en vie. Face à toutes ces violences, nous continuerons à lutter pour la liberté de tous, et nous le ferons les poings levés. Nous vivons dans ce monde et nous sommes collectivement responsables de ce qui s’y passe.
Cet article a été publié pour la première fois dans Journal européen vert. L’introduction a été légèrement modifiée pour tenir compte du récent changement de circonstances de la flottille concernant les droits de navigation internationaux.